Les différentes stratégies de protection des stocks de semences contre l’infestation par les insectes.

Mesures et actions préventives

  • Céréales.


Le refroidissement des semences après la récolte à des températures inférieures au seuil thermique d’activité des insectes de 12°C est la méthode de prévention la plus utilisée en France pour la conservation des semences (céréales, et oléagineux) sans risque d’infestation par les insectes (le plus souvent en ayant recours à des chambres froides de grande capacité). Le refroidissement des semences directement en cellule de stockage est un processus long qui doit débuter juste après la récolte, dès que les températures de nuit permettent de réaliser un premier palier de température à 20-22°C, environ un mois après la mise en cellule. Dans les régions où la baisse de température pendant la nuit en été n’est pas suffisante pour pouvoir ventiler, il existe des systèmes de ventilation à l’air réfrigéré qui permettent de ventiler toute la journée, quelle que soit la température extérieure (Mathie, 2019). Les appareils de ventilation à l’air réfrigéré sont également conçus pour rafraîchir les bâtiments de stockage de semences en été. Dans ce cas, les bâtiments de stockage doivent être bien isolés thermiquement pour éviter les déperditions d’énergie. Cette solution est bien moins coûteuse que le maintien en chambre froide, à condition que le bâtiment soit bien isolé thermiquement en particulier au niveau de la toiture, avec un minimum d’ouvertures donnant sur l’extérieur. Dans des bâtiments existants, après renforcement de l’isolation thermique, la conservation des semences en enceinte, conteneur, big-bag ou cellule hermétiques peut être réalisée à température ambiante (jusqu’à 24-25°C pour les céréales par exemple, hors orge de brasserie) en respectant le principe que seul le grain sec, propre et indemne d’insecte vivant peut être conservé à long terme à cette température. Ainsi, le refroidissement des stocks de céréales au-dessous de 20°C n’est impératif que dans le cas où il existe un risque d’avoir des insectes déjà présents dans le lot à stocker.

Dans le cas des céréales à paille au moment de la récolte, il n’y a aucun insecte dangereux pour la conservation - et les semences de maïs séchées à basse température sont rarement infestées à la sortie du séchoir (effet de dessiccation sur les insectes du champ à formes cachées comme l’alucite des céréales ; figure 7). Les semences de céréales, placées dans un contenant hermétique, vont pouvoir être conservées dans de bonnes conditions sans nécessairement être refroidie au-dessous de 20°C et si les circuits et matériels de manutention au site de stockage ont bien été nettoyés et désinsectisés avant la réception de la nouvelle récolte (Leblanc et al, 2013).

La conservation sous gaz inerte (dioxyde de carbone, CO2 ou diazote pur, N2) de longue durée en enceinte étanche empêche toute infestation d’origine interne ou externe, pourvu que la durée d’exposition soit suffisamment prolongée. La durée d’exposition létale des différentes espèces d’insectes dans des semences conservées sous gaz inerte est très variable et dépend de la température du grain. La conservation sous CO2, solution la plus courante, peut être réalisée simplement dans des big-bags à film plastique interne, étanche après scellage ou dans des cellules hermétiques de 50 à 500 tonnes, équipées d’ajutages d’introduction du gaz et de systèmes de contrôle de concentration et de sécurité.

  • Légumineuses.

Pour les semences de légumineuses, l’absence d’insectes au moment de la collecte à la récolte est impérative, la conservation sans risque de voir émerger des bruches après la mise en stockage nécessite impérativement une désinsectisation complète des lots arrivés bruchés à la récolte pour éviter toute émergence des bruches adultes pendant toute la période de conservation.

Méthodes de traitement correctif en cas d’infestation déclarée

Le traitement direct des semences (céréales et légumineuses) en cours de transfert vers la cellule de stockage ou pendant un transilage, avec des insecticides de contact (qui laissent des résidus persistants sur les grains) sont de plus en plus remis en question et sont interdits en semences pour l’agriculture biologique.

Les solutions correctives qui permettent une éradication des formes cachées de charançons dans les céréales ou de bruches dans les légumineuses passent par l’utilisation des gaz :

  • La fumigation au gaz phosphine, qui est réalisée obligatoirement en cellule étanche ou étanchée temporairement pour le temps de la fumigation, est le plus souvent réalisée par une entreprise spécialisée ayant les autorisations administratives requises pour la manipulation des gaz toxiques en milieu clos. Elle est le plus souvent utilisée dans les grands stocks « à plat » sous bâche ou en cellules dédiées, bien étanches au gaz toxique et munies d’un système de tuyauterie extérieure permettant la « recirculation » du gaz pour écourter le temps d’immobilisation de la marchandise (Ciesla, 2018) ;

  • La désinsectisation par exposition aux gaz inertes est appropriée pour l’éradication des bruches des lots de légumineuses arrivés bruchés à la récolte ;

  • Les insectes peuvent également être détruits par la chaleur : il suffit d’atteindre une température au cœur du grain de 55°C et tous les stades des insectes des grains stockés meurent en quelques minutes. Mais l’investissement étant très élevé, ces procédés sont à réserver aux produits à très forte valeur ajoutée (aliments à base de céréales pour régimes thérapeutiques, baby-food ou aliments pour animaux de laboratoire, par ex.). Toutefois, les semences ou l’orge de brasserie peuvent être gravement détériorés par un traitement par la chaleur.