Bonnes pratiques de conservation des grains pour un stockage à long terme.

Principes généraux

Les bonnes pratiques de stockage des grains, graines & semences de grandes cultures (céréales, légumineuses et oléagineux) consistent à maintenir le plus longtemps possible la qualité du produit récolté, en agissant sur les facteurs et les mécanismes d’altération du pouvoir germinatif des semences.

La détérioration de la Qualité dépend de quatre facteurs majeurs :

  • l’humidité du grain (sa teneur en eau) ;

  • sa température pendant la conservation ;

  • la présence d’insectes ;

  • la durée du stockage (figure 1).

Figure 1 : Principaux risques biologiques de détérioration des céréales au cours du stockage en relation directe avec la température et l’humidité des grains à la récolte.

Le premier facteur, la teneur en eau du grain, conditionne le développement des moisissures de stockage (champignons microscopiques des genres Penicillium ou Aspergillus). Il est donc impératif que le grain à stocker pour une durée de plusieurs mois soit parfaitement sec. S’il n’est pas sec au moment de la récolte, ou s’il contient trop d’impuretés humides (cas fréquent pour les récoltes des oléagineux), il convient de le sécher et, éventuellement, de séparer les impuretés humides avant de le stocker à long terme.

Le deuxième facteur, la température du grain, conditionne la vitesse de multiplication des insectes nuisibles après la récolte : charançons, silvains, capucin, Tribolium, pyrales des semences, ainsi que la vitesse de prolifération des moisissures, source d’échauffement des grains humides entraînant une perte rapide de vigueur germinative des semences. Ainsi, les semences conservées à une température supérieure à 20°C sur une longue période de temps voient leur vigueur et leur capacité germinative diminuer jusqu’à leur dévalorisation complète.

Le troisième facteur de risque, la présence d’insectes dans les graines de légumineuses (avant la récolte) ou d’espèces granivores qui se multiplient dans les céréales après la récolte dévalorise la semence en abaissant la vigueur et la capacité germinative des semences.

Dans le cas des céréales (blé, orge, seigle, triticale, avoine nue, riz brun (décortiqué), maïs, sorgho, etc., ces insectes ne viennent pas du champ, mais sont présents en permanence en petites colonies dans le matériel et les circuits de manutention des grains. Les insectes qui attaquent les céréales après la récolte sont adaptés à vivre à l’intérieur de la masse des grains et dans les points morts des circuits (vis, transporteurs, élévateurs, etc., figure 2) qui sont inaccessibles au nettoyage.

Figure 2 : Où se trouvent les insectes avant d’infester les céréales dans les silos ? Ils ne viennent pas du champ. Ils sont présents en colonies permanentes dans les installations de stockage et de travail du grain, sur les lieux d’entreposage qui échappent au nettoyage.

Le quatrième facteur de risque, la conservation prolongée sur le long terme (plus de six mois) favorise :

  • la multiplication des microorganismes aux endroits du stock qui ont repris de l’humidité (surtout dans les cellules métalliques à section carrée ou les cases des magasins de stockage à plat) ;

  • la multiplication des insectes nuisibles lorsque la température du grain dépasse 13-14°C ;

  • les phénomènes de « vieillissement naturel » des semences.

Bonnes pratiques de maîtrise de la température et de l’humidité

Après mise du grain en cellule de stockage, en entrepôt de sacs-doses en magasin à plat ou de big bags, il s’établit au bout d’un certain temps un équilibre entre l’humidité relative de l’air (l’hygrométrie) dans la masse des grains et la teneur en eau du grain mesurée à l’humidimètre. Cette correspondance « activité de l’eau du grain et teneur en eau mesurée » peut être représentée graphiquement par un « isotherme de sorption » (figure 3).

Exemple : Quand l’humidité relative entre les grains est stable à 70% de saturation (= activité de l’eau dans le grain de 0,70), cela correspond à une teneur en eau mesurée à 14,5% pour le blé, à 11,5% pour le soja et à 8,2% pour le tournesol (à température fixe de 20°C).

Figure 3 : Courbes de correspondance entre l’activité de l’eau dans le grain (à l’équilibre avec l’humidité de l’air entre les grains = hygrométrie dans la masse des grains) et la teneur en eau est mesurée à 20°C (l’équilibre varie légèrement avec la température).

Seuils critiques d’humidité et de température des grains, graines et semences stockées

La baisse de capacité germinative des grains est la propriété qui se détériore en premier en conditions de stockage non maîtrisées.

Lorsque l’Humidité Relative (HR) de l’air entre les grains est supérieure à 70%, il existe un risque de développement des moisissures de stockage, le principal facteur de détérioration du germe des semences. Cette HR critique correspond à une teneur en eau limite pour une bonne conservation qui dépend de l’espèce et de la température de conservation (tableau 1).

Tableau 1 : conservation du pouvoir germinatif des semences selon l’état d’origine : limites de teneur en eau à ne pas dépasser selon la température de conservation.

  • Seuil critique de teneur en eau.

Pour préserver le pouvoir germinatif des semences à long terme (par exemple sur une année entière), la teneur en eau à la mise en stock ne doit pas dépasser le seuil critique d’activité de l’eau de 0,70 correspondant à une teneur en eau limite supérieure de 14,5% pour les céréales et les légumes secs (lentilles, pois chiche, haricot, fèverole), 11,5% pour les graines de soja et seulement 8 à 9% pour les oléagineux (tournesol – colza).

Par exemple, pour l’orge de brasserie, la durée prévisible de conservation de la capacité germinative peut être déterminée à partir de la courbe de sorption / désorption de la teneur en eau des grains (figure 4).

Légende : lorsque la teneur en eau de l’orge est comprise entre 12 et 14%, la capacité germinative va pouvoir se conserver une année entière (sans diminution au-dessous de 95%). Au-dessus de 14% d’humidité, la capacité germinative diminue au-dessous de 95% en moins d’une année.

Figure 4 : Limites de teneur en eau de l’orge de brasserie permettan la conservation du pouvoir germinatif à long terme.

L’effet de l’humidité est très fort sur le pouvoir germinatif et se fait sentir même à une température modérée de stockage de 20°C, lorsque les semences sont conservées au-dessus de l’humidité recommandée pour la conservation de longue durée. La dégradation du pouvoir germinatif est d’autant plus rapide que la teneur en eau de début de conservation est élevée à l’entrée en stockage (figure 5).

Figure 5 : Influence de teneurs en eau supérieures au seuil critique de bonne conservation sur la capacité germinative du blé dur à 20°C.

  • Seuil critique de température.


La température du grain stocké est également à prendre en compte pour une bonne conservation. Des températures de conservation supérieures à 25°C ont un effet néfaste sur la capacité et la vigueur germinative des grains (figure 6). Le refroidissement des semences le plus tôt possible après la récolte prévient la multiplication des insectes « de stockage », mais il est aussi recommandé pour les semences et les céréales destinées à la fabrication de malt (orge de brasserie et dans une moindre mesure, blé et seigle).

La conservation des semences à 20-22°C, dans un bâtiment bien isolé thermiquement, permet de préserver la capacité germinative à long terme si la teneur en eau est suffisamment basse (voir tableau 1) et à condition qu’il n’y ait pas d’insecte vivant au moment de l’entrée en conservation de longue durée et que les rongeurs ne puissent pas pénétrer facilement à l’intérieur.

Figure 6 : Evolution du pouvoir germinatif d’un blé à 12% d’humidité seulement, conservée soit à 20°C, soit à 30°C.

Résultat : 50% de perte de capacité germinative en 6 mois à 30°C (source CSIRO, Australie)