Autres aspects de la conservation par inertage à prendre en compte en pratique.

Phénomène d’adsorption du CO2 sur le grain

Le principe de l'adsorption repose sur la propriété qu'ont les solides (adsorbant) de fixer sur leur surface certains gaz (adsorbat). Les interactions entre adsorbant et adsorbat sont le plus souvent de nature électrostatique, donc faibles et réversibles.


Les grains et graines alimentaires qui contiennent des protéines en quantité notable interagissent avec le dioxyde de carbone en formant un complexe par adsorption qui a pour effet de faire disparaître le CO2 de l’espace inter-grains. En enceinte hermétique, cela provoque un « effet de vide » en plaquant l’enveloppe sur le produit. Pour les céréales, plus la concentration en CO2 dans l’enceinte est élevée, plus la quantité de CO2 adsorbée sur le grain est importante. Sur le riz paddy, en atmosphère de CO2 pur, l’adsorption du CO2 par le grain peut atteindre 1 L par kg de grain, en inertage avec 100% de CO2. Ce phénomène d’adsorption s’étale sur plusieurs jours après l’injection du CO2. Le chercheur japonais Mitsuda et son équipe ont montré que le phénomène d’adsorption était d’autant plus intense que la température du grain était basse (Mitsuda & Yamamoto, 1980). A 10°C, l’adsorption peut être deux fois plus importante qu’à 30°C. Ce phénomène de rétractation des enveloppes étanches sous CO2 peut être utilisé comme un indicateur d’étanchéité de l’enceinte. A l’inverse, une dépression trop importante risque de fragiliser l’étanchéité de la structure hermétique ou de la cellule étanche. Pour les cellules de plusieurs dizaines de tonnes de capacité, il a été mis au point en Australie (par le CSIRO en relation avec le constructeur de cellules hermétiques, Ahrens agri™) un système de sécurité « mécanique » absorbant les différences de pression négative ou positive dans les structures de stockage rigides de grande capacité (Fleurat-Lessard, 2019).

Accroissement de la tolérance des insectes à la raréfaction de l’oxygène

Les insectes ont un besoin vital en oxygène et les recherches sur le risque d’apparition de populations résistantes aux atmosphères modifiées pauvres en oxygène - et a fortiori, aux atmosphères où l’oxygène et le diazote de l’air sont remplacés partiellement par CO2 - ont montré que si des niveaux de tolérance à la raréfaction de l’oxygène significatifs étaient obtenus après sélection chez 40 générations successives de Tribolium castaneum exposées à des atmosphères modifiées par de le diazote ou du dioxyde de carbone (Donahaye, 1991), il est impossible que cette sélection récurrente puisse se produire en pratique sur une même colonie d’insectes. Si quelques insectes arrivent à survivre à l’anoxie ou à l’effet déshydratant du CO2, ils sont éliminés au moment de la transformation (l’enceinte hermétique et vidée totalement et il ne reste pas d’insectes dans le contenant, contrairement à ce qu’il se produit dans les silos classiques) et aucune descendance des insectes plus tolérants à l’asphyxie n’est possible. Cette absence de risque d’apparition de populations résistantes aux gaz inertes constitue un avantage certain sur les insecticides classiques ou sur la phosphine, dont l’utilisation régulière et répétée dans le temps a fait émerger des populations d’insectes résistantes aux doses insecticides recommandées dans tous les pays grands producteurs de céréales.