Principes et avantages de la conservation en enceinte hermétique.

La conservation hermétique, avec ou sans atmosphère modifiée est déjà utilisée à grande échelle dans l’industrie agro-alimentaire et dans une moindre mesure dans les usines de semences. Cette technique présente également de nombreux avantages qualitatifs pour la conservation de la qualité des semences à la récolte.

Stockage en l’état en contenant étanche

Les céréales sont indemnes d’infestation par les insectes de stockage au moment de la récolte. Les légumineuses comme le lupin, le pois chiche et le soja ne sont pas attaquées par les bruches pendant la culture et arrivent de récolte sans infestation. Ces grains et graines peuvent être stockés en l’état sur une longue durée, pourvu que leur teneur en eau et la température dans le local de stockage reste inférieure aux seuils de conservation sans risque. Pour les lots qui ne dépassent pas les limites de l’équilibre entre humidité relative (H.R. max 70%) et teneur en eau (T.E.) spécifique pour chaque espèce végétale, le conditionnement en enceintes hermétiques ou en big-bag scellables permet de conserver les lots à valeur ajoutée (céréales « bio », légumineuses à label, qualités premium, ingrédients pour baby-food, etc.) à l’abri de toute altération microbiologique, ou d’infestation parasitaire, sans aucun recours à des traitements chimiques générateurs de résidus persistants.

Mise sous vide partiel

Dans le respect des limites de teneur en eau et de température pendant la conservation, il peut être envisagé pour les lots de céréales, d’oléagineux et de certaines légumineuses – non infestées à la récolte, comme le pois chiche, le lupin et le soja français – de faire le vide partiel dans les enceintes de conditionnement pour la conservation (type big-bag scellé ou bacs-paloxes à couvercle hermétique) ce qui a pour effet de raréfier l’oxygène et de ralentir tous les phénomènes d’oxydation des lipides. Cette pratique permet d’allonger la durée de conservation sans risque de perte significative du pouvoir germinatif des semences.

Mise sous gaz inerte (atmosphère modifiée par dioxyde de carbone ou diazote)

L'oxygène représente près de 21% de la composition de l’air. Le dioxyde de carbone et le diazote sont appelés gaz inertes, car ils ne réagissent pas chimiquement en conditions naturelles. Dans l’air, la teneur en dioxyde de carbone est de l’ordre de 0,4 pour mille (400 µL/L).

Dans tous les cas où la désinsectisation rapide est souhaitée (lots de légumineuses infestés de bruches à la récolte, semences retournées à l’usine en fin de campagne de semis, semences conditionnées de report à conserver pour une prochaine campagne (reconditionnement) ou avant destruction, etc.), le conditionnement en cellule, conteneur ou enceinte souple étanchable, permet d’opérer la désinsectisation par injection d’une d’un gaz inerte (diazote pur ou CO2 à concentration ≥ 60%) qui va asphyxier les insectes si l’inertage est maintenu suffisamment longtemps dans des conditions de température bien déterminées.

Le diazote agit sur les insectes seulement par asphyxie, ce qui nécessite de remplacer intégralement l’air de l’enceinte hermétique pour obtenir une concentration de diazote de plus de 95% qu’il faut pouvoir maintenir ensuite à ce niveau sur des durées d’exposition de deux à trois semaines selon la température du grain.

Le dioxyde de carbone (ou « gaz carbonique ») a un effet spécifique sur la respiration cellulaire des insectes et inhibe la production d’ATP, le « carburant » des cellules (Fleurat-Lessard, 1990), à partir d’une concentration minimale dans l’air de 40 à 45%. A des teneurs en CO2 supérieures ou égales à 60%, la durée de survie des insectes diminue rapidement, ce qui permet d’optimiser les combinaisons entre teneur en CO2, température et durée d’exposition létale selon l’état et la condition du grain à désinsectiser. La forte diminution de la teneur en oxygène après l’injection de CO2, va limiter l’oxydation des lipides et ralentir le vieillissement des semences, en particulier pour les graines oléagineuses.

Il existe plusieurs techniques de mise sous gaz inerte : l’apport de gaz en bouteilles de gaz pressurisé (à 150 atmosphères) ; la mise à disposition d’une citerne installée sur le lieu d’utilisation ; la livraison par camion-citerne ; pour le CO2, la solution de la glace carbonique (à -80°C) ; pour le diazote, la production par un échangeur de diazote de l’air et les gaz inertes produits par les brûleurs à gaz (à faible teneur en CO2 et moins de 1% d’oxygène).

Toutes ces options ne sont pas équivalentes mais ce choix d’options permet d’adapter la technique de la conservation ou de la désinsectisation par gaz inerte aux besoins des utilisateurs de façon optimale. Une des solutions les plus flexibles est celle des big-bags scellables dans lesquels l’injection du CO2 peut être réalisée après avoir créé un vide partiel à l’intérieur de l’enceinte (avec un aspirateur ou une pompe à vide) qui est ensuite scellée par une pince soudeuse électrique. La quantité de CO2 à injecter est facile à mesurer par simple pesée (un calculateur de la quantité de CO2 à mettre en œuvre est disponible sur noxstorage.com).

Diazote ou dioxyde de carbone ?

L’exposition aux gaz inertes nécessite une enceinte de stockage hermétique telle que :



Ces formats se développent partout dans le monde pour bannir l’usage des insecticides de contact (qui laissent des résidus dans les produits transformés) ou en alternative à la fumigation à la phosphine (à cause de la montée de la résistance à ce gaz des insectes dans les pays qui l’utilisent de façon systématique : USA, Brésil, Australie, Inde, etc.).

Les principaux avantages et inconvénients de l’inertage au diazote ou au dioxyde de carbone sont au tableau 3. Avec le stockage en enceinte hermétique, le remplacement de la fumigation par l’exposition à un gaz inerte (diazote ou dioxyde de carbone), dans les mêmes conditions de réalisation, est facile et libère de certaines des contraintes de l’usage de la phosphine qui rebutent actuellement les producteurs en agriculture bio ou de produits à label (IGP, label rouge, blés CRC, etc.), notamment ceux qui ont des volumes de production modestes ou qui produisent des semences, comme les producteurs de légumineuses de l’agriculture biologique, lentilles, fèveroles, pois jaune, lupin, pois chiche et soja, cultures en plein essor en France.

Tableau 3 : Avantages et inconvénients du diazote (N2) et du dioxyde de carbone (CO2) en tant que solutions de désinsectisation.

Facteurs déterminants de l’efficacité insecticide de l’inertage

Les principaux facteurs qui conditionnent l’efficacité de l’inertage par le dioxyde de carbone (CO2) ou, éventuellement par le diazote (N2) sont (par ordre d’importance décroissante) :

  • la température des grains

  • la concentration du gaz (CO2) à l’injection dans le contenant chargé

  • la durée de maintien de l’inertage

  • l’espèce de l’insecte à éradiquer.

L’influence de chacun de ces facteurs déterminant l’efficacité des gaz inertes a été étudiée par de multiples équipes de R&D dans tous les pays développés producteurs de céréales, d’oléo-protéagineux et de légumes secs (Australie, Etats-Unis, Canada, Israël, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne Portugal et France). Aujourd’hui, on dispose de barèmes robustes permettant de garantir l’efficacité de la désinsectisation par les deux gaz inertes les plus employés (CO2 et N2) pour la désinsectisation des semences ‘bio’, des légumineuses et céréales de grandes cultures en AB ou à label qualitatif.

Un abaque est proposé aux utilisateurs permettant de fixer la durée minimale de maintien d’une certaine concentration en CO2 entraînant la mortalité des insectes à tous leurs stades de développement (figure 16). La nymphe est le stade le plus résistant, notamment lorsque la concentration en CO2 est autour de 50% (il reste environ 10% d’oxygène). Cette tolérance à l’anoxie est à mettre en relation avec la très faible respiration de l’insecte à ce stade de la métamorphose.

Figure 16 : durée minimale d’exposition à une atmosphère de gaz carbonique à différentes teneurs pour une désinsectisation complète (pour une sécurité maximale, ces durées peuvent être majorées de 20% pour les légumineuses).

Conditions pour une efficacité optimale de l’inertage au CO2

L'effet insecticide propre du CO2 ne se manifeste qu’en présence d’un certain taux d’oxygène résiduel : l’exposition de grains de blé infestés par les formes cachées du charançon, Sitophilus oryzae, à une atmosphère de CO2 pur (100% CO2) donne de moins bons résultats de désinsectisation qu’une atmosphère à 50% de CO2, combinée à 4, 10 ou 20% d’oxygène (excipient diazote) (figure 17).

Figure 17 : Réduction des émergences en fonction de la durée d’exposition du blé infesté de formes cachées du charançon du riz, S. oryzae, à des atmosphères modifiées par du CO2 (tiré de Fleurat-Lessard et Le Torc’h, 1991).